Depuis 2018, l’association « Lève les yeux » organise des ateliers de sensibilisation aux écrans dans les collèges. Réseaux sociaux, impact sur la santé, temps passé devant les écrans… Tout est abordé sans tabou. On a assisté à l’un de ces ateliers dans un collège de région parisienne. On te raconte !
10 h 25. La cloche sonne. Maryse Gayet, l’animatrice de l’atelier, accueille les 15 élèves de 5e. Les chaises sont installées en rond pour plus de convivialité. Garçons et filles s’assoient sans vraiment savoir ce qui les attend. Maryse anime ces ateliers depuis 4 ans. « Nous animons des ateliers de sensibilisation dans les écoles allant de la grande section au lycée, mais nous intervenons aussi auprès des parents ou dans les entreprises. Les demandes ne cessent d’augmenter », explique-t-elle.
« Sans mon téléphone, je ne me sens pas bien »
Petit tour de table pour que chacun se présente et l’atelier démarre : « Qui a un smartphone ? » Presque tout le monde lève la main. « Et combien d’écrans chez vous ? Les chiffres sont impressionnant : souvent entre 16 et 20 ! Puis vient la question qui pique : « Vous sortez parfois sans votre téléphone ? » Ça les fait rire. « Jamais ! avoue Tatiana*. Sinon, je ne me sens pas bien. » Maryse rebondit : « C’est un phénomène de manque. C’est comme si votre téléphone avait pris le contrôle sur vous. » Sur la récente interdiction du portable à l’école, pas de révolte. « On est avec nos potes, donc on s’en fiche », dit Léo. Mais son voisin nuance : « C’est dommage, on ne peut plus jouer aux jeux vidéo … ». Maryse explique pourquoi c’est une bonne décision : « Sans portable, vous apprenez à être ensemble et à développer votre créativité et c’est très important, car votre cerveau est en pleine construction. Ce que vous allez acquérir maintenant vous servira toute votre vie ».
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« Planète Déconnexion » : un jeu pour ouvrir les yeux
Maryse sort un jeu de Memory un peu particulier : des cartes avec des scènes quasi identiques qu’il faut retrouver. Mais petite nuance importante : sur l’une des cartes, les personnages sont scotchés à leur écran et pas sur l’autre. L’occasion d’entamer la discussion sur leur pratique. Une carte représente quelqu’un allongé dans son lit, portable en main. « Ma mère m’impose un contrôle strict, elle récupère mon téléphone le soir », lâche Lucie. « Moi, je peux rester dessus jusqu’à 3 h du matin, parfois toute la nuit. Mes parents ne disent rien. Mais je me lève à 6 h 45. Je suis crevée tout le temps », avoue une autre. « Certains week-ends, j’y passe 16 heures. Je n’arrive pas à m’arrêter. » Tous reconnaissent y passer au moins 4 à 5 heures par jour. Seule une élève essaie de décrocher : « J’ai repris la lecture et je travaille plus le soir pour mes devoirs », explique-t-elle.
Si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit
Place au bilan. « Quels sont les avantages des écrans, pour vous ? » demande Maryse. Réponses immédiates : s’amuser, regarder des films, discuter avec des potes, acheter en ligne… Mais il y a aussi les dangers, alerte Maryse : cyber-harcèlement, arnaques, prédateurs sur les réseaux, impact écologique des achats en ligne. « Règle de base : ne jamais rencontrer en vrai quelqu’un avec qui vous avez parlé sur Internet », rappelle-t-elle.
Autre point qui fait réfléchir : le temps passé sur les écrans. « Tout ce temps, il rapporte des milliards aux grandes entreprises ! », explique Maryse. « Mais moi, je n’ai pas d’argent ! », s’étonne une élève. « C’est là le piège », répond l’animatrice. « Google, Facebook, Amazon récoltent des infos sur toi : ce que tu regardes, combien de temps, ce qui t’intéresse… Ils revendent ces données aux marques pour te bombarder de pubs. Retenez bien ça : si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit ! »
Faites des activités qui ne rapportent rien aux milliardaires de la Sillicon Valley
La cloche sonne la fin de l’atelier. Maryse lâche un dernier conseil : « Faites des activités qui ne rapportent rien à ces entreprises ! Du sport, des sorties, des jeux avec vos potes…»
Que vont retenir les collégiens de cette discussion ? « Cela reste de la sensibilisation. L’important, c’est d’ouvrir le dialogue sur des sujets dont ils n’auraient jamais parlé. Car jusqu’à présent, ils ne voyaient même pas où était le problème. Et ça, c’est déjà énorme », conclut Maryse en quittant l’école.
*Tous les prénoms ont été changés
©CIDJ Valérie François / 2025