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Dépendance aux jeux d’argent : comment se faire aider ?

un jeune addicte aux jeux écoute un psychologue

Tu joues souvent aux jeux d’argent et de hasard et cela commence à devenir un vrai problème ? Tu perds, tu sais que ça va te mettre dans le rouge à la banque mais c’est plus fort que toi, il faut que tu joues. Ça s’appelle le craving. La pulsion est tellement forte que tu as l’impression que rien ne peut t’en empêcher. Mais la bonne nouvelle c’est qu’il est possible de s’en sortir. Avec le docteur Patrick Bendimerad, psychiatre et chef du service addictologie du groupe hospitalier Littoral Atlantique de La Rochelle, on t’explique comment te faire aider.

 

Sabrina a mis des années à réaliser qu’elle était dépendante aux jeux d’argent. Personne, pas même son conjoint, ne savait qu’elle jouait et perdait de grosses sommes. Il a fallu que sa banque lui coupe les vivres pour qu’elle comprenne qu’elle avait un problème. « J’ai appelé l’association SOS joueurs et une psychologue a mis un mot sur ce que je ne voyais pas : l’addiction. Elle m’a incitée à en parler à mon conjoint, ça a été un énorme soulagement. À partir de là, j’ai décidé que j’allais tout faire pour m’en sortir ».

 

 

Quand le joueur dépendant est-il prêt à se faire aider ?

« Pour démarrer une prise en charge, il faut que le joueur commence à percevoir les problèmes que cette dépendance entraîne. Il met par exemple en danger ce qui est le plus important pour lui : l’équilibre financier de sa famille. Lorsque le joueur parvient à trouver la motivation pour changer, la route peut enfin s’ouvrir », explique le docteur Patrick Bendimerad.

 

Où aller pour se faire aider ?

« Quelle que soit la porte d’entrée, elle sera bonne. Nous travaillons tous en réseau. Le joueur dépendant sera dirigé vers les bonnes personnes », rassure Patrick Bendimerad. Mais, on le sait, ce n’est pas facile de franchir le pas. Parles-en à une personne de confiance : ton médecin traitant, un enseignant, des amis, tes parents… ils peuvent t’aider à pousser une porte comme celle de la Maison des adolescents et jeunes adultes de ta région ou d’une Consultation jeunes consommateurs.

 

Tu seras accueilli de manière anonyme et gratuite. Tes parents peuvent également venir seuls pour demander des conseils. Tu trouveras une équipe pluridisciplinaire (infirmiers, psychologues, éducateurs, psychiatres) qui pourra t’accompagner. « L’important n’est pas le titre mais le lien que le professionnel va réussir à tisser avec toi », ajoute le psychiatre.

 

Pourquoi aller voir un psychologue ?

Tu vas devoir habituer ton cerveau à fonctionner différemment, à le réorienter vers d’autres centres d’intérêt,et ce n’est pas facile. Le psy va t’aider à prendre conscience des effets que la dépendance a sur ta vie.Rassure-toi, ce n’est pas un gendarme ! Il ne te donnera pas d’ordre et ne te forcera à rien. « Un psychiatre ou un psychologue se bat au côté de son patient contre quelque chose qui lui rend la vie difficile. Notre rôle est de comprendre nos patients, de les aider à réfléchir et à remettre en question leurs croyances, comme l’illusion de contrôle du hasard, par exemple ! Ensemble, nous trouvons des stratégies très concrètes pour réguler ou mettre fin à leur pratique », renchérit Patrick Bendimerad.

 

Comment le psy va-t-il t’aider ?

Au début, tu auras des difficultés à imaginer ta vie sans le jeu. Le psy va t’aider à trouver par toi-même la motivation pour arrêter de jouer. En reconnaissant les conséquences négatives du jeu et en imaginant les bénéfices que tu obtiendras en arrêtant, tu feras sauter petit à petit les mécanismes de défenses psychiques qui t’incitent à continuer à jouer. « Il faut amener le patient à mettre tout à plat pour qu’il prenne conscience qu’en jouant il néglige ce qui est important pour lui. C’est lui qui va trouver ses réponses personnelles. Nous les accompagnons mais ce n’est pas nous qui allons leur dire quoi faire », assure Patrick Bendimerad.

 

Existe-t-il d’autres méthodes pour soigner son addiction ?

L’accompagnement thérapeutique n’est pas le seul moyen d’aider les joueurs. Des groupes de soutien entre pairs et certains médicaments peuvent également être bénéfiques. Cependant, il faut savoir qu’il n’existe pas de traitement spécifique garantissant l’arrêt des jeux d’argent et de hasard. Pour Patrick Bendimerad, « il ne faut pas opposer les approches psychologiques aux approches pharmacologiques. La finalité est la même : aider notre cerveau à recommencer à mieux fonctionner et être en phase avec nous-même et avec nos valeurs ».

 

Quelles techniques vont aider à gérer les montées de craving ?

Lorsque l’on a une montée de craving et que l’on veut lutter, il faut trouver des stratégies alternatives pour activer le circuit de la récompense. Avec l’aide de ton psy, tu vas te créer et expérimenter une « boîte à outils », c’est-à-dire une liste d’actions alternatives qui t’aideront à détourner ton esprit et à lutter contre ta pulsion. Ainsi, Sabrina, dépendante aux jeux d’argent explique qu’elle avait besoin de se promener dehors sans téléphone pour se changer les idées. Elle se forçait aussi à lire ou à cuisiner pour s’occuper. « La méditation, le yoga, la relaxation, la musicothérapie, l’aromathérapie, le sport sont des activités qui peuvent également t’aider à passer ces moments difficiles. Mais au fond, peu importe l’activité, le principal est de trouver celle qui te correspond », conseille le docteur Bendimerad.

A lire aussi, Le sport, un allié pour réduire sa consommation

 

 Réduire ou arrêter ?

« Certaines personnes souhaitent réduire leur usage, d’autres préfèrent totalement l’arrêter. Ce n’est pas à nous de décider. Le thérapeute accompagne en respectant le choix du patient. Parfois, en tentant de réduire, les patients découvrent que dès qu’ils recommencent à jouer un peu, ils n’arrivent plus à se contrôler. Ils vont alors accepter d’eux-mêmes que, malheureusement, ils ne peuvent pas jouer modérément et qu’ils doivent complètement arrêter. Mais ils n’étaient pas prêts à l’entendre de la bouche du thérapeute. Il faut en faire l’expérience », précise le docteur Bendimerad.

 

Peut-on se soigner rapidement ?

Ce n’est pas facile de changer ses habitudes. L’accompagnement peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. Il faut habituer ton cerveau à fonctionner différemment. Le traitement de l’addiction est davantage un marathon qu’un 100 mètres ! Mais on peut redécouvrir ainsi une multitude de plaisirs simples qu’on avait oubliés !

 

Comment gérer les rechutes ?

Si tu rechutes, tu auras tendance à te dire : « c’est foutu, tout ce que j’ai fait n’a servi à rien. » Mais ce n’est pas vrai. Tout ce que tu as appris, tu ne l’as pas oublié. Tu as rechuté car ta motivation a diminué et ton craving a pris le dessus. Pour autant, il ne faut pas baisser les bras. Il y a des stratégies pour t’aider à surmonter tes baisses de motivation. Par exemple, essaie d’identifier tous les moments où tu risques d’avoir des émotions trop fortes. Évite de t’exposer à une situation si tu sais que tu vas être en difficulté (aller au casino, par exemple). Trouve des sources alternatives de satisfactions et de plaisir. C’est le moment de ressortir ta boîte à outils !

 

Et après ? Quand peut-on arrêter de se faire aider ?

« Pour tenir dans le temps, les démarches varient d’un patient à l’autre. Même lorsqu’une personne est largement stabilisée, elle peut revenir tous les 6 mois faire un bilan avec son psy. Certaines personnes sont libérées parce qu’elles ont réussi à régler d’autres causes personnelles. D’autres seront en difficulté beaucoup plus longtemps. Il est souvent nécessaire de prolonger le suivi. Un des éléments marqueurs qui détermine l’arrêt ou non du suivi, c’est l’intensité du craving. Si tu n’as plus de craving du tout, tu peux arrêter le suivi avec le thérapeute ou le groupe de parole.

C’est vraiment un programme à la carte avec chaque patient”, conclut le docteur Bendimerad.

Tous ces conseils ne sont pas spécifiques aux jeux d’argent et de hasard. Ils peuvent s’adapter à toutes sortes d’addictions.

 

© CIDJ, Valérie François 2023

Crédits photo : izusek / Istock

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