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J’ai été addict aux paris sportifs pendant 10 ans

coup de pied dans un ballon

Sabrina a été joueuse de paris sportifs pendant 10 ans. Progressivement, elle a misé des sommes plus importantes, de plus en plus souvent, sans pouvoir s’arrêter. Lorsqu’elle se retrouve endettée et privée de carte bancaire, elle contacte une association. Celle-ci met des mots sur ses problèmes : le jeu excessif.

Voici son témoignage de parieuse compulsive.

J’ai commencé les paris en ligne à 22 ans. À cette époque, je ne savais même pas que l’on pouvait parier en ligne sur des matchs. À part quelques jeux à gratter, je n’avais jamais essayé les jeux d’argent et de hasard. Mais, un jour, j’ai aperçu une publicité pour un site de pari sportif en regardant un match de foot de l’équipe de France à la télé. J’ai regardé sur mon téléphone de quoi il s’agissait et comment cela fonctionnait.

 

Sabrina pense pouvoir gagner de l’argent grâce à sa connaissance du foot

Je baignais dans le foot depuis l’enfance. Mon père et mon grand-père étaient entraîneurs. J’allais régulièrement au stade voir des matchs. Je pensais donc avoir une expertise sur le sujet qui m’aiderait à faire les bons choix. J’étais une jeune apprentie, je ne gagnais pas beaucoup d’argent et je me suis dit que je pourrais essayer. Le jour où j’ai parié pour la première fois, j’étais certaine que la France allait gagner. Je me suis donc lancée en téléchargeant l’application. C’était tellement simple ! J’étais majeure mais il est très facile pour des mineurs de s’inscrire car le site ne vérifie rien. Une fois que l’on a joué, on a encore un mois pour valider son identité.

 

Elle commence à jouer et même à gagner des petites sommes

Lors de cette première mise, j’ai gagné. J’aimais le foot et je regardais régulièrement des matchs. Tout naturellement, j’ai continué à parier. C’est rapidement devenu une habitude. J’ai commencé à faire plusieurs paris sur plusieurs matchs en même temps. Mais je ne jouais pas encore des sommes astronomiques. J’arrivais à équilibrer mon budget entre les gains et les pertes et je n’étais pas encore accro. À cette époque, j’étais étudiante et je vivais loin de ma famille. Je n’avais pas d’amis proches. Je jouais surtout le week-end, cela occupait mon temps libre.

 

Quand Sabrina gagne, elle rejoue pour s’amuser ; quand elle perd, c’est pour se refaire

Les jeux d’argent demandent du temps. On doit réfléchir à nos futurs paris, aux prochains matchs, chercher des infos sur les joueurs, savoir qui est blessé…

Si je gagnais, je me disais : « c’est cool, je peux rejouer ». Si je perdais, j’espérais me refaire et je rejouais aussi. Cette période a duré 4 ans, pendant lesquels ma passion des paris est montée crescendo. Et sans que cela n’impacte ma situation financière.

 

Les bonus et les cotes poussent à jouer sur plusieurs sites

Je jouais sur à peu près tous les sites de paris pour profiter des bonus de bienvenue et des côtes les plus intéressantes. Côté vie sociale, je connaissais toujours aussi peu de monde et, évidemment, cette activité ne m’a pas aidé à trouver de nouveaux amis. Je ne me confie pas facilement, je ne parlais de ça à personne. Je ne me suis jamais dit que je jouais trop souvent et trop d’argent. Je ne faisais aucun lien entre le jeu et la dépendance. D’ailleurs, je n’en avais jamais entendu parler.

 

Le jeu la met dans une bulle qui lui permet de ne plus penser à ses soucis

En 2016, j’ai déménagé en région parisienne. Ce changement a été compliqué. J’ai perdu en qualité de vie et je me suis encore plus enfermée dans le jeu. Parier sur le foot ne me suffisant plus, j’ai enchaîné sur le tennis. J’avais l’impression d’avoir plus d’opportunités de gagner car les matchs de tennis sont plus nombreux. Je misais des sommes de plus en plus importantes. J’étais dans une bulle qui me permettait de ne plus penser à rien. Cela compensait mon état un peu dépressif.

 

Pour continuer ses paris, Sabrina souscrit des crédits

Quand les problèmes financiers se sont annoncés, j’ai souscrit un crédit bancaire. Je ne voyais pas d’autres solutions. Comme j’avais un CDI et un salaire fixe, le banquier m’a même proposé d’emprunter plus ! Je lui ai fait confiance. Le crédit me permettait de couvrir mes dettes et d’avoir un reste supplémentaire pour vivre plus confortablement. Évidemment, j’ai eu l’idée d’utiliser cette somme pour gagner plus d’argent et, potentiellement, rembourser plus vite. Avec le recul, je sais que je réfléchissais déjà comme une personne dépendante qui pense pouvoir se refaire en jouant.

 

Sabrina croule sous les dettes mais continue à parier car elle pense s’en sortir

En 2019, à cause d’une rénovation de ses locaux, mon entreprise nous a mis en télétravail pendant 6 mois. Puis, le confinement s’est annoncé. Durant cette période, j’ai souscrit une douzaine de crédits à la consommation. J’avais environ 50 000 € de dettes. Les organismes de crédit ne fonctionnent que sur du déclaratif et ils ignoraient donc que j’avais d’autres crédits en cours. Je ne disposais évidemment pas de revenus suffisants pour tous les rembourser. Cela devenait très compliqué mais je continuais à parier car je pensais que c’était la seule solution pour me sortir de là.

A lire aussi, notre article sur les risques de dépendances aux jeux d’argent

 

Le conjoint de Sabrina ne se rend compte de rien

Je ne parlais de tout cela à personne. Même mon conjoint, avec qui je m’étais installée en 2016, ne se rendait compte de rien. Je jouais sur mon téléphone, c’était plus discret. Aujourd’hui, être souvent sur son portable est fréquent. Lui-même est très fan de jeux vidéo, et il jouait dans une autre pièce.

Ma vie en dehors du jeu était très normale : travail, maison, sorties, vacances… Je participais aux frais de la maison ; ma situation financière n’impactait donc pas notre vie de couple.

 

Les paris autour des courses hippiques sont encore plus addictifs que les autres

À partir de 2019, je ne maîtrisais plus rien. Avec le Covid, tous les matchs s’étaient arrêtés à l’exception de ceux en Russie. Je me suis donc mise à parier sur le foot russe. Mais cela ne me suffisait pas. J’étais vraiment devenue dépendante. Gagner de l’argent ne m’intéressait pas seulement, je voulais aussi ressentir les émotions que cela procurait. J’ai commencé à jouer sur les paris hippiques qui eux aussi étaient autorisés. N’y connaissant rien, j’ai trouvé des conseils sur les réseaux sociaux. La course hippique est un sport bien plus addictif que les autres. Les courses vont très vite. Les émotions sont décuplées. Pour arranger le tout, je misais de grosses sommes.

 

Les paris commencent à avoir des répercussions sur sa vie personnelle

Je pensais ne rien laisser paraître mais, en réalité, mon humeur fluctuait en fonction des paris. Au quotidien, j’étais exécrable. Je m’enfermais davantage. Cette période était très compliquée. Nerveuse et irritable, je me disputais beaucoup avec mon conjoint qui se posait des questions sur notre couple. Tout était prétexte à dispute mais le fond du problème ne remontait pas. Je ne faisais pas le lien avec ma pratique excessive des paris.

Mais, un été, en rentrant de vacances, j’ai reçu un appel de ma banque : elle coupait mes moyens de paiement et ma carte bleue. Je me suis pris une claque. J’étais grillée et j’allais devoir en parler.

 

Grâce à l’association SOS Joueurs, Sabrina comprend qu’elle est addict aux paris sportifs

Comment en étais-je arrivée là ? La réponse était évidente : les paris sportifs. Mais je n’avais toujours pas identifié un problème d’addiction. En cherchant sur Internet, je suis tombée sur l’association SOS Joueurs. C’est une de leurs psychologues qui a évoqué la dépendance. Quand elle m’a décrit ce que vivent les joueurs, je me suis parfaitement reconnue. Elle m’a incité à en parler à mon conjoint. Ça n’a pas été facile mais je lui ai tout dit. Il est tombé des nues. C’était difficile pour lui de comprendre comment j’en étais arrivée là. Je lui ai expliqué que c’était une maladie mais que je comptais y faire face. J’étais persuadée qu’il allait me quitter ! Il était sonné mais est resté dans l’écoute. Je l’ai rassuré en lui expliquant que j’avais déjà commencé à me prendre en main et que j’allais tout faire pour m’en sortir.

 

Sabrina arrête tout du jour au lendemain

En parler a été un énorme soulagement. Je gardais tout cela en moi depuis si longtemps ! J’ai immédiatement agi : rendez-vous chez une psy, constitution d’un dossier de surendettement, intégration d’un groupe de parole, suppression des applications et je me suis faite interdire de jeu.

L’arrêt a été brutal. J’avais une sensation de manque et même des espèces de tocs. Je prenais mon téléphone pour aller sur l’appli de pari sauf qu’elle n’y était plus. Je tournais en rond et ne m’intéressais à rien. Heureusement, je n’avais plus de moyens de paiement à ma disposition.

Pour s’en sortir, il faut accepter d’avoir définitivement perdu son argent

Durant cette période, je ne pouvais plus rester chez moi enfermée. Pour me changer les idées, j’allais souvent me promener sans téléphone. Je me suis forcée à lire, à cuisiner. Et, surtout, j’ai « accepté » d’avoir définitivement perdu mon argent. Les addicts aux jeux sont constamment dans l’idée de se refaire. Admettre cet échec aide à se libérer de la dépendance.

 

Participer à un groupe de parole est un véritable soutien

 Aujourd’hui, cela va mieux. Je participe toujours au groupe de parole car je reste fragile. La tentation de rejouer est parfois très forte. J’ai la chance d’avoir une situation stable, un travail, un conjoint avec qui je suis bien. Dans le groupe de parole, on voit souvent de nouvelles personnes exprimer leur détresse face à leur situation. C’est une vraie piqûre de rappel des conséquences du jeu excessif.

Lire aussi notre article Pourquoi participer à un groupe de soutien ?

Je me suis inscrite dans un club de foot pour être actrice de ma passion au lieu d’en être que spectatrice. Cette activité m’a aussi permis de recréer du lien social, que j’avais totalement perdu avec la dépendance. Je ne ressens plus le besoin de combler le temps par des activités. L’ennui, lorsqu’il se présente, ne me fait plus peur !

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@ CIDJ Valérie François / 2023

Crédits photo : Alphaspirit / Istock

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