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Jeux de grattage : des risques de dépendances méconnus

une personne grattant des jeux à gratter

Les jeux de grattage, un simple loisir ? C’est ce que veulent te faire croire les opérateurs de jeux. Mais ne te fie pas à leur allure ludique ! Ces jeux qui semblent si conviviaux et amusants sont très addictifs et peuvent devenir très problématiques pour les joueurs les plus vulnérables. Tu aimes gratter un ticket de temps en temps ? On te dit tout sur leurs dangers potentiels.

Tu as peut-être déjà reçu une pochette cadeau de la Française des jeux à Noël. Tu apprécies sans doute ces tickets à gratter agrémentés de personnages de dessins animés. C’est mignon et ça ne fait de mal à personne. Et puis tu as toujours une petite chance de gagner… Ces jeux remportent un franc succès auprès des adultes qui les offrent volontiers à leurs enfants. D’après une enquête menée par l’ANJ (Autorité nationale des jeux) en 2020, plus d’1 Français sur 3 déclare avoir déjà proposé un jeu de grattage à son enfant. Ce chiffre atteint 52 % chez les parents qui pratiquent eux-mêmes cette activité.

Des jeux pensés pour nous rendre accros

Mais sous leurs airs innocents, les jeux de grattage sont parfaitement étudiés et marketés pour nous rendre accros. « Ces coffrets cadeaux ont l’air anodins avec des personnages de dessins animés et des noms rigolos. Ils sont conçus de telle manière qu’on oublie presque que ce sont des jeux d’argent. Le concept s’inspire des petits jeux gratuits sur le téléphone. Mais en réalité, c’est une vraie porte d’entrée vers le jeu. Il est important de déconstruire son caractère anodin et récréatif », analyse Thomas Amadieu, auteur de La fabrique de l’addiction aux jeux d’argent.

Des patients addicts de plus en plus jeunes

« J’ai des patients de plus en plus jeunes qui viennent me consulter pour un usage excessif des jeux de grattage. Ce sont les parents qui me les envoient car ils commencent à être alertés sur le sujet », témoigne Avital Denan, psychologue à Paris. Le caractère récréatif, le coût relativement faible au départ et l’espoir de gagner peuvent entraîner une véritable dépendance chez les plus vulnérables. Sur le site SOS Joueurs, Romain témoigne avoir commencé à 16 ans et n’avoir jamais réussi à s’arrêter. « Premier boulot, premier salaire, et tout est parti dans les jeux de grattage », avoue-t-il.

Très peu de gros gagnants

L’industrie du jeu développe une habitude par un procédé habile que Thomas Amadieu appelle « la boucle ludique ». Tout est fait pour que les joueurs misent à nouveau et immédiatement l’argent qu’ils ont gagné.

Les lots à petits prix sont nombreux, par contre, les gros lots sont très rares. Le règlement de chaque jeu est disponible sur le site de la Française des Jeux et précise le nombre de tickets gagnants. Prenons l’exemple de l’Astro : sur 4 500 000 tickets distribués, seuls 3 te font gagner le gros lot, soit 25 000 €, et 661 000 tickets rapportent 2 €. Si tu gagnes 2 €, tu vas sûrement vouloir les rejouer car la somme est dérisoire. En rejouant, il est probable que tu perdes cet argent car la très grande majorité des tickets sont perdants. Si, par hasard, tu gagnes à nouveau 2 €, l’incitation à rejouer sera très forte. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que tu perdes définitivement. « Le grand nombre de tickets permettant de gagner des petites sommes est destiné à exercer une sorte de conditionnement comportemental. En produisant des récompenses fréquentes, l’envie de jouer est renforcée », ajoute Thomas Amadieu.

L’immédiateté des résultats rend les jeux plus addictifs

D’après le psychiatre Patrick Bendimerad, trois facteurs favorisent les risques d’addiction aux jeux d’argent : « commencer jeune, pratiquer des jeux qui vont vite et des jeux qui provoquent un effet intense. Autrefois, on jouait au loto puis on attendait les résultats plusieurs jours avant de savoir si on avait gagné. Il y avait moins de risque d’être piégé. Maintenant, il suffit de gratter pour connaitre le résultat. Si l’adolescent a un caractère impulsif, il va avoir envie de rejouer afin de retrouver cette excitation. »

Plus un joueur démarre jeune, plus il risque de devenir addict

En commençant à jouer tôt, on banalise la pratique. « L’enfant pense que c’est un loisir comme un autre, qu’il peut gagner de l’argent avec ces jeux et qu’il n’y a pas de risque à le faire. Potentiellement, il peut faire l’expérience très tôt du gain et associer aux jeux le fait de passer un moment agréable en famille. Cela va alimenter son système de croyance et de représentation en l’associant à des souvenirs positifs. Dès qu’il en aura la possibilité, il se tournera plus facilement vers les jeux d’argent en ayant une très faible conscience des risques qui y sont associés », précise Julie Caillon, psychologue dans le service addictologie du CHU de Nantes.

La cible des éditeurs de jeux de grattage : les jeunes

C’est d’ailleurs pour cette raison que les éditeurs de jeux ciblent les jeunes. « Ils sont souvent plus impulsifs et ont plus de disponibilité d’esprit. Mais ce sont aussi les clients de demain », se désole Patrick Bendimerad. Et ils ne manquent pas d’idées pour les attirer. Dorénavant, une application permet de jouer directement sur son téléphone. Le but, totalement revendiqué, est d’attirer une nouvelle clientèle plus jeune et plus orientée mobile. Et cela semble marcher. En 2022*, les jeux de tirage, de grattage ou jeux instantanés constituent la première catégorie de jeux pratiqués à l’adolescence !

 

*source Escapad 2022 – OFDT

© CIDJ, Valérie François 2024

Crédits photo © Éric Bouvet

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