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Guillaume, 25 ans : « La décision de la dernière chance »

La décision de la dernière chance

Guillaume, 25 ans : joint, alcool, drogue et vidéo

Du premier joint à la drogue dure en passant par la bouteille de whisky, l’adolescence de Guillaume a été un long processus de destruction. Il aurait pu ne jamais revenir de ce voyage au bout de lui-même. Aujourd’hui, il a 25 ans, et grâce au soutien de sa famille, il s’est sorti de ses pires addictions et a repris sa vie en main. De sa descente aux enfers jusqu’à sa reconstruction, il a accepté de nous raconter son histoire. Une série en 3 épisodes.

Mon salut je le dois en parti à ma meilleure amie. J’étais en manque, je n’avais plus d’argent et j’essayais par tous les moyens de la convaincre de me prêter encore une fois 50 euros pour m’acheter ma dose. Mais cette fois-ci, elle a refusé catégoriquement. Lorsque l’on est en manque, on est prêt à tout. Mentir, manipuler. A ce moment là, mon seul but était de trouver de l’argent pour l’alcool, la drogue et les cigarettes de la journée. Une fois qu’on a obtenu cela, on se fout du reste. Je lui ai donc proposé un deal : elle me donnait 50 euros et en échange, je m’engageais à passer 3 mois dans l’association Cenacolo. Je lui ai même signé un papier ! Malgré la situation, je m’efforçais de tenir mes promesses. Dans ma tête, j’allais mourir d’ici quelques mois. Mais au fond de moi, je voulais m’en sortir et je savais que cette association était ma dernière chance.

Tous les fumeurs de joints ne finissent pas par consommer de la drogue dure mais tous ceux qui prennent de la drogue dure commencent par les joints

Comment aurais-je pu imaginer tomber si bas quand j’ai commencé à fumer mon premier joint ? D’expérience, tous les fumeurs de joints ne finissent pas par consommer de la drogue dure mais tous ceux qui prennent de la drogue dure commencent par les joints. J’ai 20 ans et je me détruis depuis 5 ans. J’ai parlé de ma décision à ma mère. Un mois et demi plus tard, je partais à Lourdes dans l’une des 3 maisons que possèdent l’association en France.

Pour la première fois, j’avais en face de moi quelqu’un qui n’attendais rien de moi.

Les maisons sont tenues par d’anciens drogués. Dès mon arrivée, j’ai été pris en charge par un membre de la maison qui a constamment veillé sur moi pendant les trois premiers mois. Il m’a raconté sa vie, ses blessures, ses difficultés. Il était là, présent, à l’écoute si j’avais besoin de parler. Il ne me jugeait pas. Il n’attendait rien de moi. C’est bête mais ça change tout. Il comprenait aussi ce que j’avais vécu car il l’avait lui même vécu. Je n’avais jamais connu cela avant.

Si je n’avais pas fait cette promesse de rester 3 mois, j’aurais tout lâché au bout d’une semaine.

Les deux premiers jours, j’ai très bien dormi car j’étais épuisé. C’est ensuite que ça a été difficile. La nuit, je dormais mal, j’avais des sueurs, j’avais mal partout, des douleurs dans les os. Si je n’avais pas fait cette promesse de rester 3 mois, j’aurais tout lâché au bout d’une semaine. Heureusement, on a un rythme de vie très soutenu. On se lève tôt. On travaille toute la journée. On peut cuisiner, s’occuper du potager qui fait 3 hectares, des animaux : cochons, poules, lapins… Il y a des bâtiments à construire. L’association étant catholique, on nous invite aussi à prier plusieurs fois par jour. Mais rien n’est imposé. On m’a proposé de participer à la construction d’une petite maison. Ils m’ont montré comment faire puis m’ont laissé les outils. Je n’avais rien fait de mes mains depuis un an. J’avais de nouveau des occupations dans la journée. Je me rendais aussi compte que j’étais capable de faire des choses. Je pouvais réfléchir et prendre des décisions. Moi qui me dévalorisait tout le temps, j’ai repris confiance en moi.

J’ai commencé à me sentir vraiment bien au bout de 18 mois

C’est dur les premiers mois. Mais petit à petit, on se fait à cette vie. J’ai commencé à me sentir vraiment bien au bout de 18 mois. Il n’y a pas de tentation. C’est rassurant. On y pense bien sûr. Mais encore maintenant, j’y pense tous les jours. Au bout de 3 mois, j’ai décidé de rester. J’y ai passé 4 ans. Mais chacun est libre de partir quand il le souhaite. Un jour, je me suis dit qu’il était temps de prendre ma vie en main. Mais il n’était pas question de me lâcher du jour au lendemain. Je devais trouver un métier, un lieu de vie. J’ai alors commencé un parcours de réflexion pour partir dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, je suis surveillant dans une école de la Drôme. Je vis avec les pensionnaires. C’est un moment transitoire qui me va parfaitement car je ne voulais pas me retrouver seul dans un appartement. Je sais que la solitude ne me fait pas de bien. J’ai appris à me connaître. C’est une bonne chose pour moi d’être constamment entouré. J’avais besoin de ce sas avant de me lancer vraiment dans la vie.

Je me considère comme un miraculé

Ces 4 années de sevrage ont redonné un sens à ma vie, des couleurs, une envie. Je me lève pour quelque chose chaque matin. Lorsque je me retourne sur mon histoire, je me dis que c’était une expérience de vie. Tout cela n’est pas arrivé par hasard. Peut-être devais-je passer par là pour me construire. Même si encore aujourd’hui, je me considère comme un miraculé.

Parents, ne culpabilisez pas !

Je suis persuadé qu’il y a une cause derrière toute addiction. C’est le signe d’une blessure et d’une détresse à régler. Si j’ai un conseil à donner aux parents, ne prenez pas sur vos épaules tout ce que fait votre enfant. Ma mère s’est souvent sentie responsable. Elle se disait qu’elle n’avait pas été assez présente, qu’elle avait fait des erreurs. Mais en réalité quoi qu’elle ait fait, mes blessures auraient été différentes, mais toujours présentes.

Déculpabilisez-vous de ce que fait votre enfant. Vous pouvez l’aider mais il faut poser des limites. Tout ne dépend pas de vous. Il faut le laisser prendre ses décisions, commettre des erreurs. J’ai vu beaucoup de personnes ne réagir qu’à partir du moment où elles étaient vraiment au fond du trou. Enfin, surtout ne restez pas seul. Faites-vous aider par un professionnel ou par quelqu’un de votre entourage qui accepte de s’impliquer et qui aura un regard extérieur sur la situation.

Guillaume, 25 ans : joint, alcool, drogue et vidéo, un témoignage en 3 épisodes

 

Propos recueillis par Valérie François / CIDJ / Août 2020
Illustration : CIDJ

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